Ashtadhyayi

Ashtadhyayi
Image illustrative de l’article Ashtadhyayi
Rupavatara, grammaire de Dharmakirti (VIIe s.), basée sur celle de Panini.

Auteur Panini
Pays Inde
Genre Grammaire
Version originale
Langue Sanskrit
Titre अष्टाध्यायी (Aṣṭādhyāyī)
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Ashtadhyayi (IAST: Aṣṭādhyāyī, devanāgarī: अष्टाध्यायी, signifiant en sanskrit : « Octopartite »[1]) est un traité de grammaire en huit chapitres composé en sanskrit vers -350, et attribué à Pāṇini, personnage mythique de l'hindouisme dont le nom est une invention issu de la colonisation anglaise de l'Inde[réf. nécessaire]. Ce traité de grammaire en huit partie comprend 3 996 règles[2],[Note 1] composées dans le style du sūtra[3], et il est le plus ancien connu à ce jour. L'Aṣṭādhyāyī est accompagné de trois autres traités, généralement attribués à Panini[4].

Le titre et le genre

Le traité de Panini est souvent appelé Aṣṭādhyāyī parce qu'il se compose de huit chapitres, ou Vyākaraṇa-sūtra, c'est-à-dire « Formulaire de construction [des mots] »[5]. Il relève du genre littéraire du sūtra et consiste en un ensemble de 3 996 règles très condensées (pour quelque 32 000 syllabes), chacune constituant précisément un sûtra; l'énoncé de chacune d'elle est d'une grande brièveté[Note 2]. La grammaire traite donc de la formation des mots, pris isolément ou dans une phrase. Le sûtra est un genre littéraire très utilisé en Inde pour exposer des idées scientifiques à des fins utilitaires, et le mot « sûtra » s'utilise aussi bien pour parler d'un bref texte pris indépendamment que pour parler d'un ensemble entier de formules (et donc d'un « livre »)[5].

Dans leur majorité, les sutras se composent de deux ou de trois mots, et l'ensemble de l'ouvrage tient dans quelque trente-cinq pages actuelles comprenant chacune un peu plus de trente lignes[6].

Œuvre orale ou écrite?

On ne sait pas si le travail original de Panini était sous forme écrite. Il se peut que Panini ait connu et employé un système d'écriture, mais, note Pierre-Sylvain Filliozat, la date à laquelle l'écriture apparaît en Inde est sujette à discussion, à quoi s'ajoute le fait que l'on ne sait pas exactement quand Panini a vécu[7].

Mais, poursuit PS Filliozat, il est possible que l'écriture soit mentionnée dans la grammaire elle-même, dans le sutra 4.1.49[Note 3]. En effet le mot yavan- (« ionien, grec ») qui est présent dans ce sutra permet de former le mot yavanani, qui, selon le commentaire de Kâtyâyana, renvoie à une écriture qui pourrait être celle du grec (ancien), ou même une écriture du Proche-Orient ancien, comme l'écriture araméenne du Proche-Orient. Or il est vraisemblable que l'Inde a connu cette dernière au cours de la domination par les Perses ont dominé le Gandhara et le Sindh, entre le VIe et le IVe siècle av. J.-C. [7].

Filliozat ajoute qu'il est possible que Panini ait connu l'écriture et l'ait même employée, sans pour autant l'avoir nécessairement utilisée pour composer sa grammaire. En fait, l'examen de l'Ashtadhyayi ne montre pas qu'il y a eu un recours à des supports écrits pour composer l'ouvrage a été composé en recourant; il ne révèle pas plus l'idée que la grammaire devait être utilisée sous forme écrite[7].

Contenu de l'Aṣṭādhyāyī

Plan

A.A. MacDonnell donne le plan qui suit pour l'ouvrage[6]. Livre 1 : termes techniques de la grammaire et ses règles d'interprétation. Livre 2 : les noms dans les relations de composition et de cas. Livre 3 : comment les suffixes doivent être rattachés aux racines verbales. Livres 4 et 5 : comment les suffixes doivent être rattachés aux thèmes nominaux. Livres 6 et 7 : description de l'accent et des changements phonétiques dans la formation des mots. Livre 8 : les mots dans une phrase[Note 4].

MacDonnell relève cependant que ce plan général est cependant constamment interrompu par des règles isolées, ou par une série de règles ajoutées par l'auteur à la suite de nouvelles études grammaticales, ou encore sorties de leur contexte naturel et déplacées afin d'économiser des mots.

Contenu

On trouve de très nombreux sûtras, dans différents domaines (astronomie, droit, phonétique, yoga...), mais le Vyākaraṇa-sūtra de Panini en est le modèle le plus parfait[5]. La grammaire de Panini constitue un système dérivationnel[8]. Cela signifie qu'elle formule des règles générales qui permettent de former des mots à partir d'éléments simples[5]. Le point de départ est une base, appelée prakṛti, à laquelle s'ajoutent des suffixes (pratyaya) sous certaines conditions[8]. Cette base peut être une racine verbale (dhātu) ou un thème nominal, appelé prātipadika[9]. Ce processus conduit au mot unité (pada). La combinaison de plusieurs pada aboutit à la phrase (vākya)[8].

Panini a aussi développé une métalangue et un vocabulaire technique, composée d'abréviations, de noms techniques, de listes d'éléments avec mention du premier et du dernier, etc. Les formules s'ordonnent en suivant la logique des sujets qu'elles traitent

Parce qu'il est d'une concision extrême, l'ouvrage est aussi d'un abord ardu. Il est même, selon E. Aussant, « incompréhensible » sans les commentaires, en particulier le Vārttika de Kātyāyana et le Mahābhāṣya de Patañjali[10].

Les traités en annexe

L'Aṣṭādhyāyī est accompagné de trois autres traités qui sont[8] 1) Akṣarasamāmnāya, plus communément appelé Shiva sutra ou Maheshvara sutra : une liste de phonèmes de la langue sanskrite ordonnés de manière à pouvoir y référer de manière abrégée; 2) Dhātupāṭha : un recueil d'environ 2000 racines verbales classées en dix catégories selon la formation du présent ; 3) Gaṇapāṭha : un ensemble de listes de mots ayant en commun certaines caractéristiques dérivationnelles.

Quelle langue?

La grammaire[11] de Panini décrit la langue que son auteur parlait, à savoir un dialecte du nord-ouest de l'Inde. Panini le nomme bāṣā, autrement dit « langue parlée ». Il décrit aussi la langue des textes védiques, qui utilisent une langue nettement plus archaïque. Il parle de ces archaïsmes en les appelant chandas (versets), sans qu'il paraisse avoir conscience que la langue dont il parle a subi une évolution à travers le temps. On ne trouve pas de trace d'une connaissance de langues complètement différentes de la sienne. Il traite d'ailleurs celle-ci comme si elle était tout le langage tenait en elle. Quand il utilise le mot saṃskrita , il lui donne le sens de « préparé, apprêté [selon les règles en vue d'un but précis] », au sens d'une chose bien faite, bien préparée. L'emploi du mot saṃskrita au sens de « langue sanskrite » n'apparaît que beaucoup plus tard, et ce n'est que vers le Ve siècle de notre ère que l'on utilisera couramment le mot sanskrit pour nommer la langue. Mais ce mot reste lié à Panini, en ce sens que la langue qu'il avait décrite s'était maintenant répandue sur le sous-continent indien où elle était langue à la fois de communication et de culture. Et c'est pour cela qu'elle fut qualifiée de saṃskrita, « excellente »: parce qu'on la voyait toujours comme « préparée » selon les règles de Panini.

Manuscrit sur ôles de l'Astadhyayi en sanskrit, copié en écriture Grantha. Tamil Nadu, XIXe siècle. Collection de l'École française d'Extrême-Orient à Pondychéry.

Notes et références

Notes

  1. Scharfe 1977, p. 89 note que le nombre exact varie en fonction de notre jugement sur quelques interpolations et divisions de sûtras.
  2. Cela a sans doute favorisé l'apprentissage par cœur du traité.
  3. [Lire ce sutra en ligne (page consultée le 26 août 2024)]
  4. Filliozat 2001, p. 231 donne l'ordre des matières suivant: « définition de nom techniques, de conventions d'exposé et de procédures d'application; formation des mots composés; dérivation primaire, déclinaison, conjugaison; dérivation secondaire; phonétique de mot et de phrase (sandhi); accentuation; règles de phonétique diverses. »

Références

  1. Translittération selon The Sanskrit Heritage Dictionary de Gérard Huet, art. « aṣṭādhyāyī ». [lire en ligne (page consultée le 25 août 2024)]
  2. Livret, Numéro 5, École pratique des hautes études (France), Section des sciences historiques et philologiques, Éd. Librairie Droz, 1987, page 416.
  3. Émilie Aussant, Le nom propre en Inde: Considérations sur le mécanisme référentiel, Éd. ENS, 2009, 163 p. (ISBN 978-2-847-88176-9) p. 25 [Lire en ligne. V. le § 17 (page consultée le 25 août 2024)]
  4. Filliozat 2001, p. 231
  5. a b c et d Filliozat 2001, p. 230
  6. a et b (en) Arthur Anthony Macdonell, A Sanskrit Grammar for Beginners, New Delhi, D.K. Printworld (P) Ltd., (1re éd. 1926 [Oxford Univ. Press, 3rd ed.]), xx + 264 p. (ISBN 978-8-124-60095-5, lire en ligne), « Introduction. Brief History of Sanskrit Grammar », p. x - xviii
  7. a b et c (en) Pierre-Sylvain Filliozat, « Formalisation and orality in Panini's Aṣṭādhyāyī », Indian Journal of History of Science, vol. 28, no 4,‎ , p. 291-301 (v. p. 292) (lire en ligne)
  8. a b c et d Aussant 2008, p. 378
  9. Georges-Jean Pinault, Histoire des idées linguistiques, Volume 1. Le système de Pāṇini, Éditions Mardaga, 1989, p. 372 (ISBN 978-2-870-09389-4)
  10. Aussant 2008, p. 379
  11. Sauf mention contraire, cette partie se base sur Filliozat 2001, p. 231.

Voir aussi

Bibliographie

Traductions et commentaires

  • Pāṇini (texte sanskrit, trad. franç. avec extraits des commentaires par Louis Renou), La Grammaire de Pāṇini, Paris, École française d'Extrême-Orient, , 413 p. (vol. I) et 490 (vol II) (lire en ligne)
    [Lire en ligne le volume 1 (page consultée le 25 août 2024)] ; [Lire en ligne le volume 2 (page consultée le 25 août 2024)]
  • (en) Rama Nath Sharma, The Aṣṭādhyāyī of Pāṇini, New Delhi, Munshiram Manoharlal Publishers, 1987-2003 (ISBN 978-8-121-50051-7, présentation en ligne)
  • (en) The Astadhyayi of Panini (with translation and explanatory notes by S.D. Joshi and J.A.F. Roodbergen), vol. 1 à 11, New Delhi, Sahitya Akademi,

Études

  • Émilie Aussant, « La grammaire de Pāṇini: quand la conscience linguistique d'un grammairien devient celle de toute une communauté », Revue roumaine de linguistique, vol. 53, no 4,‎ , p. 377-387 (lire en ligne)
  • Pierre-Sylvain Filliozat, « Pāṇini, VIIe – IVe siècle av. J.-C. ? », dans Pierre-Sylvain Filliozat, Dictionnaire des littératures de l'Inde, Paris, PUF, coll. « Quadrige  », , 379 p. (ISBN 978-2-130-52135-8), p. 230 - 232
  • Pierre-Sylvain Filliozat, Grammaire sanskrite paninéenne, Paris, Picard, , 185 p. (ISBN 2-708-40362-1)
  • (en) Hartmut Scharfe, Grammatical Litterature, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, , 142 (p. 77-216) (ISBN 3-447-01706-6, lire en ligne), chap. II (« Panini »), p. 88-116
    In Jan Gonda (dir.) A History of Indian Litterature, Vol. 5, Scientific and Technical Literature, Part II, p. 77-216.

Articles connexes

Liens externes

  • The Ashtadhyayi. Translated into English by Srisa Chandra Vasu
  • (en) Pāṇini Research Tool sur sanskritdictionary.com/panini (permet de consulter chaque sutra individuellement. Nombreuses informations techniques) [lire en ligne (page consultée le 26 août 2024)]
  • Otto Böhtlingk (Ed.): Pāṇini's Grammatik.
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