Structure de Richat

Structure de Richat
La structure de Richat photographiée depuis la Station spatiale internationale
La structure de Richat photographiée depuis la Station spatiale internationale
Localisation
Pays Drapeau de la Mauritanie Mauritanie
Région Adrar
Département Ouadane
Commune Ouadane
Coordonnées géographiques 21° 07′ 26″ N, 11° 24′ 07″ O
Caractéristiques
Type ancien volcan érodé
Âge de la formation 100 Ma
Origine Dôme de lave
Largeur 50 km
Géolocalisation sur la carte : Mauritanie
(Voir situation sur carte : Mauritanie)
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La structure de Richat (ou dôme de Richat), surnommée « l’œil de l'Afrique » ou traditionnellement Guelb er Richât (قلب الريشات en arabe) , est une structure géologique située dans le Sahara mauritanien près de Ouadane[1], 30 km au sud de la source de l'oued Saguiet el Hanura, un ancien cours d'eau[2]. Circulaire d'un diamètre d'environ 50 km, la structure ne s'observe pleinement que depuis l'espace et a été révélée dans toute son étendue en 1965 par le programme spatial Gemini. Longtemps considérée comme une énigme scientifique, la structure est aujourd'hui interprétée comme les restes d'un volcan géant vieux de 100 millions d'années (Crétacé), totalement effondré à la suite d'une longue érosion différentielle[3].

Découverte et localisation

Carte topographique du Guelb el Richat.
Photo satellite de la structure de Richat en Mauritanie avec de fausses couleurs.
Le cercle intérieur de la structure.

Cette structure avait été décrite dès 1916, avec de fortes approximations, par les militaires français, puis évoquée par Ernest Psichari dans son livre Les voix qui crient dans le désert (il y décrit la dépression qui borde le Richat à l'ouest, entre l'enceinte extérieure de la formation et la falaise bordière du plateau de Chinguetti). Le Guelb er Richat apparait pour la première fois sur une carte en 1922 (Service géographique de l'Afrique occidentale française). En 1934, Théodore Monod est le tout premier explorateur et scientifique à visiter cette étrange formation le [4], p. 113). Il y retournera à de très nombreuses reprises, publiera un ouvrage scientifique sur la question en 1973 (avec Charles Pomerol) et y effectuera sa toute dernière mission en décembre 1998, à l'âge de 96 ans.

Le Guelb er Richat a attiré l'attention des premières missions spatiales à cause de sa forme caractéristique en oculus dans un paysage désertique assez monotone.

Décrite de façon imagée comme une ammonite gigantesque dans le désert, la structure, qui a un diamètre de près de 50 kilomètres et des dénivelés de 30 à 40 m, est devenue un point de repère pour les équipages des navettes spatiales[5].

Elle se situe dans le désert de Maur Adrar, aux confins du massif de l’Adrar et de l’erg de la Maqteir ou Majâbat Al Koubra.

Le terme pluriel de Richat ou Richât (Rich au singulier), proviendrait d'un mot hassanya (langue arabe parlée en Mauritanie) signifiant « les plumes »[6] ou « les bras de plumes »[7], faisant allusion aux formes de mini-cuestas circulaires. Semsiyyât, autre mot local signifiant « les enfants », désignerait des formes plus petites de ces reliefs[6].

Interprétation scientifique

Après l'avoir interprétée comme une structure d'impact de météorite à cause de sa quasi parfaite circularité, les géologues pensèrent à un soulèvement symétrique de type anticlinal circulaire associé à une remontée de roches alcalines.

Théodore Monod qui étudia ce phénomène avec ses collègues, publia dès 1973 des hypothèses proches de l'explication communément acceptée aujourd'hui[6].

Depuis les années 2000, il est acquis que la structure de Richat est issue d'une forme rare de volcanisme géant, vieux de 100 millions d'années (Crétacé), qui a créé un dôme magmatique associé à des remontées hydrothermales. Il existe un petit bassin de roches volcaniques effusives et sédimentaires, et la présence d'un maar, une structure qui reflète la présence en surface d'un diatrème. Le terrain en place situé au-dessus du dôme, composé de sédiments déformés par la poussée, se serait effondré à la suite d'une longue et lente érosion karstique[3], ce qui expliquerait la présence importante de brèches au centre de la formation.

Les quartzites du paléozoïque, qui composaient les couches de la structure alternant avec le calcaire, ont mieux résisté à l'érosion et forment aujourd'hui les anneaux résiduels concentriques de la structure : les trois anneaux externes les plus visibles, de 20 à 30 mètres de haut, appelés "cuestas".

D'autres phénomènes semblables, quoique moins spectaculaires, sont maintenant reconnus notamment en Algérie, au Tchad et au Mali[8].

En 2024, de nouvelles données chronologiques et géochimiques suggèrent que la structure de Richat s'est formée au cours de deux épisodes distincts, séparés de 100 millions d'années (Ma)[9],[10] :

  • il y a entre 230 et 200 Ma (début du Jurassique), l'intrusion de gabbros dans des roches sédimentaires plus anciennes ;
  • il y a environ 100 Ma, la mise en place, en profondeur dans la structure, de nouvelles roches magmatiques dont des carbonatites riches en carbone et des roches alcalines, avant de subir une érosion importante. Cette suite d'événements conduit au soulèvement et à l'érosion de l'ensemble et lui donne la forme qu'on lui connaît aujourd'hui.

Archéologie

La structure de Richat est le lieu d'accumulations exceptionnelles d'artefacts acheuléens[11],[12]. Ces sites archéologiques acheuléens sont situés le long des oueds qui occupent la dépression annulaire la plus externe de cette structure. Des outils en pierre pré-Acheuléens ont également été trouvés dans les mêmes zones. Ces sites sont associés à des affleurements rocheux de quartzite qui ont fourni la matière première nécessaire à la fabrication de ces artefacts. Les sites acheuléens les plus importants et leurs affleurements associés se trouvent le long du nord-ouest de l'anneau extérieur, d'où partent l'oued Akerdil à l'est et l'oued Bamouere à l'ouest. Des pointes de lance néolithiques éparses et largement dispersées et d'autres artefacts ont également été trouvés. Cependant, depuis que ces sites ont été découverts par Théodore Monod en 1974[11], la cartographie des artefacts dans la zone de la structure de Richat a révélé qu'ils étaient généralement absents dans ses dépressions les plus internes. Jusqu'à présent, aucun dépôt de résidus reconnaissables ni aucune structure artificielle n'ont été reconnus et signalés dans la structure de Richat. Ceci est interprété comme indiquant que la zone de la structure de Richat n'a été utilisée que pour la chasse à court terme et la fabrication d'outils en pierre. La richesse locale apparente des artefacts de surface est le résultat de la concentration et du mélange par déflation au cours de multiples cycles glaciaires-interglaciaires[12],[13].

Site proposé pour l'Atlantide

La structure de Richat en Mauritanie a également figuré parmi les nombreux sites proposés pour localiser l'Atlantide[14]. Les partisans de cette thèse se fondent sur sa ressemblance avec la description de la mystérieuse cité perdue que le philosophe Platon a donnée dans le Timée, et plus longuement développée dans le Critias.

Selon Platon, l’Atlantide était une île puissante et prospère qui régnait sur de nombreuses terres, jusqu’à ce qu’elle soit détruite par un cataclysme et qu’elle s’enfonce dans l’océan vers 9600 avant Jésus-Christ.
Platon a également donné quelques indices sur l’emplacement et l’apparence de l’Atlantide : elle était située au-delà des piliers d’Hercule (le détroit de Gibraltar), avait été fortifiée selon un plan circulaire avec des anneaux concentriques de terre et d’eau, et était riche en minéraux, en métaux et en ressources de toutes natures[15].
Platon, qui opposait les "mythes authentiques", reflets de réalités historiques et les "mythes fabriqués", histoires inventées pour les enfants et les ignorants, aurait, selon le professeur de géophysique à l’université de Patras Stavros Papamarinopoulos[15], considéré le mythe d'Atlantis comme authentique et probant sur la capacité de l'Athènes archaïque - adversaire d'Atlantis - à faire face à des adversaires d'une grande puissance mais décadents.

Les partisans de la théorie de l’Œil du Sahara-Atlantis ont soutenu que la structure de Richat correspond à la description platonicienne de l’Atlantide à plusieurs égards.
La forme circulaire en anneaux concentriques de l’Œil du Sahara leur a paru conforme, ainsi que le fait qu’il est riche en minéraux et métaux, tels que l’oxyde de fer, le cuivre et le quartz.
Si Platon a également présenté l’Atlantide comme une plaine fertile entourée de montagnes alors que le site est actuellement d'une extrême aridité, la région mauritanienne n'a pas toujours été désertique : il suffit de remonter au cinquième millénaire avant J-C pour y trouver de la végétation.

On peut cependant leur objecter plusieurs divergences entre l’Œil du Sahara et la description de l’Atlantide selon Platon, outre que la cité athénienne n'a été fondée - par regroupement des villages d'Attique - que vers 800 avant J-C et que les plus anciens vestiges de la civilisation mycénienne ne sont pas antérieurs au II° millénaire avant J-C et sont donc largement postérieurs à la désertification très rapide que le Sahara mauritanien a connue vers 4 500 av J-C[16]. Le philosophe athénien a notamment présenté l’Atlantide comme une puissance navale se donnant pour divinité fondatrice le dieu de la mer Poséidon et commerçant avec d’autres pays, ce qui impliquait un accès maritime dont l’Œil du Sahara, localisé à plus de 550 km de l'Océan Atlantique est désespérément dépourvu.
Ceci n'a du reste pas empêché le romancier Pierre Benoît de localiser sa version romanesque de l'Atlantide dans le Hoggar, à plus de 1500 km de tout rivage et d'obtenir pour son ouvrage le Grand prix du Roman de l'Académie française, en 1919.
Quant aux théoriciens de l’Œil du Sahara-Atlantis, ils ont choisi de soutenir que la structure de Richat était une île entourée d’eau, située au-delà des Piliers d’Hercule, avant que la dérive des continents ne déplace le continent africain vers le nord.

Précisons tout de même que leurs spéculations, désormais radicalement contredites par les découvertes géologiques et archéologiques, n'ont guère de fondements solides et relèvent de la pseudo-science.

Tourisme

La large diffusion des images et des explications relatives à ce phénomène insolite a favorisé la venue de visiteurs, touristes ou scientifiques, vers ce lieu reculé de la planète. Cette fréquentation a nécessité la création sur place d'une installation d'accueil sommaire[17]. Le site a été classé par l'IUGS en 2022 parmi les 100 premiers sites du patrimoine géologique mondial.

Notes et références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Richat Structure » (voir la liste des auteurs).
  1. « La structure de Richat, une étonnante formation en plein cœur du Sahara » (consulté le )
  2. « Carte d'État-Major d'Algérie 1870 » (consulté le )
  3. a et b Archive vidéo de l'émission « Découverte » de Radio-Canada en septembre 2006 disponible plus facilement sur Youtube (visité le 29 novembre 2010).
  4. Bruno Lecoquierre, Parcourir la Terre : le voyage, de l'exploration au tourisme, Paris, L'Harmattan, , 273 p. (ISBN 978-2-296-04922-2), .
  5. « NASA - Richat Structure, Mauritania », sur Nasa (consulté le )
  6. a b et c www.annales.org : 'Travaux du Comité français d'histoire de la géologie, deuxième série, Tome 4, 1986 - "Théodore MONOD Souvenirs sahariens d'un vieux géologue amateur".
  7. La Mauritanie d'après Jean Finore
  8. « Structures of probably magmatic doming origin in North-Africa » (version du sur Internet Archive) (également sur l'archive Wikiwix, Norbert Brügge, Germany [mis à jour le 4 septembre 2010 - visité le 29 novembre 2010]
  9. Laboratoire Géo-Océan, « Quel âge à l'œil de l'Afrique ? », sur Université de Bretagne-Occidentale, .
  10. (en) El Houssein Abdeina, Fred Jourdan, Gilles Chazot, Hervé Bertrand et Bernard Le Gall, « How old is the Eye of Africa? A polyphase history for the igneous Richat Structure, Mauritania », Lithos, vol. 482-483,‎ , article no 107698 (DOI 10.1016/j.lithos.2024.107698 Accès libre).
  11. a et b T. Monod, « Trois gisements à galets aménagés dans l'Adrar mauritanien (Sahara occidental) », Provence Historique, vol. 99,‎ , p. 87–97
  12. a et b Ousmane Sao, Pierre Giresse, Henry de Lumley, Olivier Faure, Christian Perrenoud, Thibaud Saos, Mouamar Ould Rachid et Ousmane Cherif Touré, « Les environnements sédimentaires des gisements pré-acheuléens et acheuléens des wadis Akerdil et Bamouéré (Guelb er-Richât, Adrar, Mauritanie), une première approche », L'Anthropologie, vol. 112, no 1,‎ , p. 1–14 (DOI 10.1016/j.anthro.2008.01.001)
  13. Pierre Giresse, Ousmane Sao et Henry de Lumley, « Étude paléoenvironnementale des sédiments quaternaires du Guelb er Richât (Adrar de Mauritanie) en regard des sites voisins ou associés du Paléolithique inférieur. Discussion et perspectives », L'Anthropologie, vol. 116, no 1,‎ , p. 12–38 (DOI 10.1016/j.anthro.2011.12.001)
  14. Mark Adams, Meet Me in Atlantis: Across Three Continents in Search of the Legendary Sunken City, Groupe Penguin, (ISBN 978-1-101-98393-5, lire en ligne), p. 203
    Rob Shelsky, Invader Moon, Simon & Schuster, (ISBN 978-1-61868-666-4, lire en ligne), p. 75
  15. a et b Slate, article de Mark Adams, traduit par Yann Champion, du 26 avril 2015 : L'Atlantide a bien existé: il suffit de lire Platon pour savoir où elle était [1]
  16. Article de Sean Bailly du 20 décembre 2017 dans la revue Pour la Science - Climatologie - Comment le Sahara vert a disparu [2] et La préhistoire de la Mauritanie de R. Vernet p. 17-44 de l'Introduction à la Mauritanie IREMAM - UMR 7310 - CNRS/Aix Marseille Université [3]
  17. www.lexicorient.com Hotel au centre de la structure.

Voir aussi

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  • Structure de Richat, sur Wikimedia Commons

Articles connexes

Liens externes

  • Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généralisteVoir et modifier les données sur Wikidata :
    • Nationalencyklopedin
  • Notices d'autoritéVoir et modifier les données sur Wikidata :
    • VIAF
  • (fr) Archive documentaire vidéo de Radio Canada Émission "Découverte", septembre 2006.
  • (fr) Le dôme de Richat, œil de l’Afrique – L'univers de la géologie
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